« Bob Arctor se répéta la question. Combien y a-t-il de Robert Arctor ? Dingue. Au moins deux, à vue de nez. Le nommé Fred qui se prépare à espionner le nommé Bob. Même type. Voire. Fred est-il vraiment le même que Bob ? Quelqu’un le sait-il ? Moi je le saurais, j’imagine, puisque je suis la seule personne au monde à savoir que Fred est Bob Arctor. Mais qui suis-je ? Lequel des deux ? »
California Love
Bob Arctor est un toxicomane notoire de Californie. Lui et ses amis vivent principalement pour une chose : dégoter de la substance M. M pour Mort. Celle qui vous tue à petit feu, rendant la conclusion finale invraisemblable, mais bien réelle. De trip en trip on apprend à connaître Bob Arctor et ses amis aux délires paranoïaques et délurés.
Mais de l’autre côté du miroir se trouve également Fred, celui que Robert Arctor incarne lors de la remise de ses rapports au bureau des stups. Après une mission qui aboutit à un cul-de-sac, Fred se voit confier le dossier de Bob. Obligé d’enquêter sur lui-même, et toujours plus détraqué par la Substance M, il commence tout doucement à perdre pied.
Qui est Fred ? Qui est Bob Arctor ? Ou Bob l’acteur ? Qui joue le rôle de qui ? Et surtout, comment ne pas perdre les pédales dans ce trip schizophrénique ?
Du K. Dick tout craché
Substance Mort fait partie des meilleurs livres de Philip K. Dick. On est pris par l’agitation mentale d’un homme qui se retrouve coincé entre deux mondes complètements opposés et dont les cogitations mentales affluent sans cesse. De trips et dialogues hallucinés, on passe dans les pensées tout aussi folles de Bob Arctor/Fred. Le tout se transformant petit à petit en bad trip dérangeant. À tel point qu’il m’a mis, l’espace de quelques instants, dans le même malaise que subit Bob. Comme d’habitude avec les livres de K. Dick, les distorsions de réalités et les remises en question nous affectent comme rarement un livre arrive à le faire.
À cela s’ajoute également des dialogues et monologues complètement barrés. Les discussions partent dans tous les sens et contre-sens pour finir dans le plus pure non-sens et le refus de la réalité. La logique la plus rudimentaire est complètement retournée et fait place aux réflexions enrouées de ces sympathiques toxicomanes.
Quant aux monologues, ils reprennent en partie cette folie, mais c’est aussi dans ces occasions que les réflexions les plus intéressantes font surfaces, comme celle exposé en début d’article. L’autre apport vient de l’évolution du héros. À travers ses pensées, on perçoit son effondrement mentale et le scindement de sa personnalité qui se fait de plus en plus fort.
Substance mort est sans aucun doute un des romans de K. Dick les plus intéressant à lire. Le livre s’éloigne de la science-fiction pour n’en retenir qu’un ou deux éléments, éléments qui permettent de mieux mettre en image les idées de l’auteur. Dans tous les cas, le bouquin reste complètement fou et jubilatoire.