À 9 ans, si j’avais accès à un ordinateur, ce n’était que le week-end lorsque j’allais chez mon père. Même si pendant la semaine, j’avais ma Playstation, ce PC avait quelque chose de particulier, un jeu qui m’obsédait. Quand je n’y avais pas accès, je regardais inlassablement les screenshots imprimés dans le Joystick que je trimbalais partout. Ce n’était pas juste son univers qui me captivait. Il proposait des mécaniques et une structure si rafraichissantes que, pour la première fois dans ma vie de jeune explorateur virtuel, je suis allé au bout d’un jeu vidéo jusqu’à voir apparaitre le générique de fin.
Cet article fait partie du projet Outcast. Plus d’info ici !
Un monde à perte de vue
Dans les années 90, le jeu vidéo se transforme. L’arrivée de la 3D permet plus de possibilités aux développeurs et certains font parler leur fibre cinématographique. Je parle évidemment de Metal Gear Solid ou Resident Evil. Avant ça, le jeu vidéo, c’était du jeu. C’était des scores à battre, une narration assez maigre et des environnements découpés en niveau. Même Tomb Raider qui représentait le summum du jeu d’aventure gardait cette structure où vous progressiez de façon linéaire d’un endroit à l’autre.
Et pour moi, c’était un gros problème. Je n’ai pas trop honte de le dire, parce que je sais que la plupart des gens n’ont pas dépassé la moitié des aventures de Lara Croft. Mais dans le second épisode, je n’ai jamais été plus loin que Venise. C’est-à-dire le deuxième niveau du jeu. Et je n’ai vu que son début. Après avoir utilisé un code pour sauter le premier level.
Les développeurs m’avaient vendu de l’action et de l’aventure. Et moi à 9 ans, c’était tout ce dont je rêvais : une vie d’explorateur aux quatre coins du monde (et accessoirement à flinguer tout ce qui bougeait). À la place, je n’y ai trouvé que des couloirs étouffants et des environnements cloisonnés. Bref, je m’étais fait avoir.
Puis, j’ai découvert Outcast ! Il n’avait rien à voir avec Tomb Raider, ni avec la plupart des jeux de son époque. Graphiquement déjà, il utilisait un moteur en voxel qui a contribué à sa réussite ludique, mais aussi, ironiquement, à son échec commercial. Surtout, ça lui a permis d’éviter de couper sa nature à la scie circulaire comme dans les aventures de la Britannique à grosse poitrine. Non, ici, vous étiez en extérieur, plongés dans des environnements ouverts, organiques et crédibles. À 9 ans, je découvrais donc dans la région du Shamazaar des rissières à perte de vue. Dans l’Okasankaar, le ciel se reflétait dans ses marais et les talans de la région vivaient de la pêche. En Okaar, je marchais au milieu des arbres d’une forêt dense et chatoyante.
Pour la première fois de ma vie, j’étais donc libre de parcourir ce monde virtuel dans le sens que je voulais. C’était grisant et c’est la principale raison qui m’a permis de le finir. Mais, il y a eu plus. Outcast avait trouvé la formule parfaite pour m’embarquer dans son aventure. À tel point que j’avais développé une véritable obsession pour cet univers.
C’était pas ma guerre
Au risque de me faire passer pour un sanguinaire, ce que je voulais par-dessus tout quand j’étais gamin, c’était de tirer sur des cibles. Mouvantes de préférence pour plus de fun. Le système de combat d’Outcast est particulier. Il vous pousse à vous déplacer en permanence. Vos balles, tout comme celles de vos ennemis mettent du temps à toucher leur cible. Ça vous permet déjà d’éviter leurs tirs, même si, quand ils sont 4 ou 5, ça devient vite compliqué. Ils n’hésitent pas à vous contourner et à vous prendre par-derrière. Et quand vous tirez, vous devez anticiper les déplacements de votre cible. Plus elle est loin, plus le fait de l’atteindre est jouissif, surtout au début de l’aventure quand vos balles sont comptées.
Quand vous arrivez à bout de vos munitions, pas de problème, les recréateurs sont là pour vous aider. Dans l’univers d’Outcast, certains talans fabriquent gratuitement vos balles si vous leur ramenez les ressources nécessaires que vous avez collectées. Après, il faut laisser l’artisan travailler et revenir plus tard pour les récupérer. En attendant, pour le jeune moi de 9 ans, il était temps de me montrer un peu plus pacifiste et d’engager le dialogue avec les habitants d’Adelpha.
Rendez-vous en terre inconnue
Dans Outcast, vous avez mille choses à faire. Il y a évidemment la quête principale. Vous incarnez Cutter Slade qui a atterri sur Adelpha pour sauver la Terre. Quel rapport entre les deux ? C’est très simple. L’armée américaine a (encore) merdé. Ils ont envoyé une sonde dans le monde parallèle d’Adelpha, sonde qu’un talan a très vite dézingué, ce qui a créé un énorme vortex qui menace d’engloutir notre planète. Forcément, en arrivant dans ce monde alien, les cartes informatiques nécessaires à la réparation de cette sonde sont dispersées dans différentes régions. Vous devez les récupérer pour tout remettre en ordre et accessoirement sauver l’humanité.
Mais pour les talans, vous êtes surtout Ulukaï. La prophétie de Kazar prédit la venue d’un être unique, un élu. Sa quête est de retrouver les môns cachés et gardés par les shamaaz, gardien de la religion de ce monde alien. La conquête de ces môns entrainera la chute de Fae Rhan, le tyran autoproclamé d’Adelpha.
Très vite, les deux quêtes se rejoignent, même si, personnellement, à 9 ans, j’ai vite mis ça de côté pour explorer mon nouveau terrain de jeu. Surtout que les locaux ont besoin de vous pour tout et n’importe quoi. Il y a plein de sous-quêtes à réaliser qui vous poussent à explorer les différentes régions. Et ici, pas de marqueurs ou d’indications évidents. Seule votre curiosité vous permet de trouver ces quêtes, en abordant les talans dans la rue ou en observant ce qu’il se passe dans l’environnement.
Dans la foule d’Okriana, la capitale perdue au milieu du désert du Talanzaar, vous repérez, par exemple, les marchands à l’objet qu’ils ont en permanence en main. Puis, il y a ce talan qui est accompagné d’un Twon-ha (sa monture) qui tire une lourde charrette ou encore celui qui attend à côté de sa grue devenue folle. Bref, vous êtes naturellement attiré par ces personnages qui ressortent du lot d’une manière ou d’une autre.
C’est en accumulant ces quêtes que je me suis perdu dans cet univers. J’étais curieux de tout et quand je voyais un temple ou une montagne se dessiner au loin, j’allais voir ce qu’il s’y passait. Je parlais à chaque talan qui attirait mon œil et j’avançais dans certaines quêtes, des fois plus par accident d’ailleurs.
Un môn vaut mieux que deux tu l’auras
À d’autres moments, je savais exactement ce que je faisais. Dans la région minière du Motazaar, je venais de récupérer un bloc d’helidium. Et si personnellement, je n’en avais pas besoin, je savais qu’il allait servir pour réparer le phare de Cyana dans l’Okasankaar. De là, je planifiais mon voyage. Avant de m’y rendre pour finir ma quête, il fallait que je passe chez le recréateur prendre mes munitions et lui en commander de nouvelles. Puis, sur mon chemin, je pouvais donner le hoti (un fruit qui ressemble à un morceau de pastèque) au marchand d’Okriana qui me l’avait demandé. Tant qu’à faire, je ferais un détour chez le shamaaz pour qu’il me soigne. Évidemment, à chaque fois que je trouverai des ressources qui traineraient au sol, je les ramasserai. Puis, sur mon trajet, j’aurai encore l’occasion de croiser d’autres talans à qui je parlerai et qui me donneront de nouvelles quêtes.
L’un dans l’autre, j’étais constamment occupé. Et vu qu’il y avait toujours quelque chose à faire pas trop loin de là où j’étais, c’était dur de s’arrêter d’explorer ce monde magnifique.
À tel point que c’est par pur hasard que je me suis souvenu qu’il y avait une quête principale. Je m’intéressais aux temples du Shamazaar. Je ne vous dirais pas exactement comment, mais en suivant les indices, j’ai résolu leur mystère. Au sommet du temple principal, se cachait une étrange boite dans laquelle je trouvais mon premier môn. Et vous savez à quoi il ressemblait ? À une carte informatique…
À partir de là, tout s’est enchainé. Région après région, je récupérais ces môns … Jusqu’à ce moment fatidique où j’ai retrouvé et réparé la sonde grâce à ces cartes informatiques, non sans avoir d’abord aidé les talans à se libérer du despote local Fae Rhan. Tout était rentré dans l’ordre. J’étais prêt à partir et il ne me restait qu’une chose à faire : dire au revoir à mes amis.
En quittant Adelpha, j’avais pour la première fois fini un jeu vidéo. Surtout, je ne les voyais plus comme de simples divertissements. En me laissant libre d’explorer son monde et de m’y intéresser par moi-même, en titillant chez moi ma curiosité sur ce qui m’entourait, Outcast m’avait captivé. J’y avais vécu des moments forts à travers son histoire et j’y avais trouvé la joie enfantine de partir à la découverte d’un univers inconnu. À partir de ce moment-là, le jeu vidéo était devenu autre chose qu’un simple passe-temps. Je les voyais maintenant comme des portails qui me transportaient dans d’autres mondes.
Retour vers le futur
25 ans sont passés et le jeu va enfin avoir une suite sous le nom d’Outcast A New Beginning. Pour préparer sa sortie, j’ai relancé le premier jeu. Là où tout avait commencé. Je ne sais pas comment des yeux plus jeunes que les miens aborderont les graphismes, mais au niveau du gameplay, Outcast reste moderne. En y jouant, vous constaterez qu’il apporte les bases des jeux d’aventure en monde ouvert tel qu’on les connait de nos jours. Alors, difficile de mal vieillir. Et puis, que ça soit en découvrant l’original, en explorant son remake ou en jouant au nouvel épisode, j’espère que vous aussi, amis explorateurs, vous vous perdrez dans son monde étrange et envoutant, et que, comme moi, vous y retrouverez l’enfant de 9 ans qui rêvait de tour du monde.
Cet article fait partie du projet Outcast où vous trouverez encore plus d’articles et de vidéos sur le jeu.
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