Vous avez déjà marché dans la rue le nez en l’air? Rarement, avouez! Et ceci pour une bonne raison : les trottoirs sont remplis de merdes de chien, si bien que tout le monde a plutôt tendance à courber l’échine et regarder le sol d’un air morose, esquivant les déjections canines qui ornent nos crotoires publics. Dishonored, de son côté, est l’antithèse de la réalité, vous obligeant sans cesse à regarder en l’air à la recherche d’une échappatoire, d’une fenêtre ouverte ou d’un petit balcon accessible, quitte à trébucher sur un garde et vous sauver comme un lâche. Que ça soit irl ou plongé dans cet univers, on remarque que les choses ne changent pas des masses : la finalité reste bien d’éviter les emmerdes. Et si dans la vie de tous les jours on peut difficilement blinker sur un petit rebord en hauteur, dans Dishonored, c’est avec un plaisir espiègle qu’on évolue dans un univers plus en 3D que la réalité où les environnements ont été construit avec une vraie verticalité. Et c’est de ça qu’il sera sujet dans cette critique de Dishonored 2!
Back to the root!
Dishonored premier du nom avait subjugué tout le monde, il y a de ça 4 ans. Textures « faites main », univers steampunk attachant, gameplay aux petits oignons et déjà un level design soigné permettant à chacun d’aborder les situations de façon brutale ou au contraire en mode fufu-que-je-t’étouffe-par-une-clé-de-bras. Arkane Studio avait frappé un gros coup et par la même occasion s’était fait une place parmi les développeurs les plus en vogue. Évidemment, quand ils ont annoncé la suite des aventures de Corvo Attano lors des conférences de l’E3 2015, tous les journalistes ont mis de côté leur sens critique pour pleurer comme des vierges nymphomanes devant le Washington Monument.
Le trailer montrait une Émilie Caldwin ayant bien grandi et ayant visiblement fait un petit voyage dans le Void pour acquérir des pouvoirs venant tout droit de l’outsider. Ce trailer montrait également un manoir se transformant à tout va (j’y reviens un peu plus bas) et une nouvelle ville de type Afrique du Nord colonisée : Karnaca. C’est donc dans cet environnement ardent et poussiéreux qu’Émilie (ou Corvo si vous décidez de le choisir en début d’aventure) va évoluer, récemment exilée de Dunwall par Delilah Caldwin, la supposée sœur cachée de la mère d’Émilie, à la recherche d’indices pour vaincre l’étrange pouvoir de la traîtresse et récupérer son trône. Un putsch un peu trop facile, voir complètement bourrin, mais passons, après tout, le scénario n’est pas ce qui nous intéresse ici.
Dishonored 2 est donc la suite directe du premier, tant au niveau du scénario, qu’au niveau du gameplay. On retrouve les téléportations, la possession de rat, et l’ensemble des pouvoirs du premier opus, ainsi que des nouveautés du style de l’ombre qui permet de ramper sur le sol, le double qui créé une copie de nous même et attire les ennemis, ou encore le domino qui relie plusieurs adversaires entre eux. Il suffit alors d’en immobiliser un pour que les autres subissent le même sort. Et je ne dépeins ici que grossièrement les nouveautés de gameplay, qui mise les unes avec les autres offrent des moments très jubilants.
À cela s’ajoute un petit joujou temporel qui nous permet de switcher entre deux époques d’un même lieu. Imaginez, vous vous baladez dans les ruines d’une grande demeure laissée à l’abandon. Les vitrines sont brisées, des nids d’insectes ont infesté les lieux, une grille bloque votre progression vers votre objectif. Un petit coup d’oeil à travers la lunette de l’appareil, et vous observez que ce passage était libre d’accès. Vous passez donc dans le passé, et revenez à l’époque où le lieu servait encore à l’aristocratie locale, où les servants peuplaient les couloirs, ainsi que les gardes du corps, et où la grille n’existait pas!
Ceci est l’exemple simple de ce que permet l’outil, mais évidemment, cela se complique par la suite, où il faut non plus faire trois mètres dans le passé et revenir très vite dans le présent, mais marcher dans d’assez grosses zones pour que les deux époques deviennent aussi importantes l’une que l’autre dans le level design. À cela, on rajoutera un plaisir malin à apparaitre dans une zone pour attirer l’attention, revenir dans le présent, faire cent mètres, revenir dans le passé et fouiller tranquillement l’espace précédemment occupé par nos ennemis.
My way on a high way
On voit qu’avec ce simple petit ajout, on peut déjà s’amuser avec le niveau et son organisation. C’est grâce à ce soin particulier apporté au level design que la licence Dishonored a fondé ses bases et continue de se construire dessus. La base, c’est évidemment la verticalité qui sert de support au gameplay de base, permettant de chercher la hauteur pour passer comme un voleur, où de se tortiller dans les rues sinueuses et les grands-places pour affronter chaque ennemi. Les mécaniques de jeu étant très variées, on applaudit la performance offerte ici et l’ouverture d’esprit du gameplay qui nous permet de se sentir libre d’appréhender les choses comme on le sent, tout en faisant preuve d’imagination pour mélanger l’ensemble de nos pouvoirs.
Ce level design prend encore plus de profondeur lors du niveau du manoir présent dans le trailer. Cet environnement nous offre un premier aller dans la zone libre d’ennemis où on se familiarise avec les leviers permettant à la pièce de se transformer. Un mur bloquant la progression se transforme en escalier, tandis que dans notre dos, les sorties se condamnent, l’effet étant réversible. On avance de quelques pièces comme ceci avant de parler à un pnj qui nous barre littéralement la route et nous envois ces gardes. Obligé de faire demi-tour, on retraverse le niveau à l’envers en réactionnant les leviers. C’est là qu’on s’aperçoit que l’arrière de ce décor changeant est accessible, et, comme Portal en son temps, nous invite subtilement à passer dans les coulisses du niveau. Ceci est amené avec suffisamment de subtilité pour qu’on ait cette impression d’avoir été plus malin que le jeu avant de s’apercevoir que tout ceci n’est qu’une superbe mise en scène de la part des devs.
Bref, Dishonored 2, sous ses airs de mixe de Bioshock, Assassin’s Creed, et d’autres licences AAA, est une pépite vidéoludique où le gameplay est appuyé par un level design à couper le souffle. Le tout étant amené petit à petit. D’abord les premiers niveaux nous (re)familiarise avec les mécaniques de base qui a fait le sel du premier opus (les pouvoirs et leurs combinaisons), pour ensuite accentuer son gameplay de base dans le manoir et son décor mouvant, avant de nous livrer la « petite » nouveauté (l’outil qui nous replonge dans une époque antérieure d’un lieu) et continuer ainsi de jouer avec l’environnement qui se construit, se déconstruit, se mélange et se sublime.
En plus d’exceller dans tout ce qu’il entreprend, Dishonored 2 parvient également à offrir un plaisir immédiat au joueur, tout en ayant un gameplay très riche pour se laisser redécouvrir encore et encore. Jouissif dés les premières heures de jeu, il le sera encore plus pour le joueur qui s’acharnera dessus. En ce sens, je suis pressé de voir les speedruns et autres TAS sortir pour voir la puissance du jeu décuplée.