Comme tout le monde, à la sortie de Resident Evil 7, j’étais hypé par le retour d’une série phare du jeux-vidéo, sans pouvoir l’être autant que les fans de la première heure. Lorsque le premier épisode est sorti, j’étais trop intimidé. J’avais alors 7 ans et je ne me voyais pas capable d’explorer un manoir tout en résolvant ses énigmes et en étant mis sous pression par des zombies. Ce retard, je l’ai rattrapé il y a quelques années lors d’un froid mois de décembre avec l’envie de découvrir ce monument du jeux-vidéo. C’est directement devenu une tradition et, de Noël en Noël, je parcours la série en suivant l’ordre de parution des jeux. Je vous ai déjà largement parlé des épisodes PSOne, mais cette année, c’est Code Veronica qui y passe et alors que les trois premiers volets ont eu droit à une refonte totale, la question se pose pour cet épisode : mérite-t-il un remake?
De la série B à la série Z, en passant par Hitchcock
En l’an 2000, alors qu’un siècle se termine pour laisser place au suivant, une génération de console s’apprête à faire de même. La Dreamcast, première console next-gen de l’époque a déjà pris de l’avance sur la Playstation 2 qui est prévue cette année-là dans nos contrées et les Nintendo 64 et PSOne tirent doucement leur révérence en accueillant les derniers titres s’appuyant sur une demi-décennie de maitrise hardware. C’est le cas de Resident Evil 3 Nemesis qui débarque chez Sony et fait honneur à la série tout en incorporant à la recette de base plusieurs idées fluidifiant l’expérience. Demi-tour rapide, esquive, fabrication custom de munitions grâce à des poudres, accumulation de soins dans l’inventaire grâce à un objet spécifique, etc.
Les tentatives d’apporter un vent de fraicheur à la série sont nombreux, pourtant, de tout ça, il n’en restera presque rien quelques mois plus tard lorsque sortira l’épisode Code Veronica sur Dreamcast. Pour cause, un développement en parallèle avec le troisième opus et vraisemblablement un manque de communication entre les équipes. Finalement, Code Veronica ne gardera que le demi-tour rapide, ainsi que le gameplay de base bien huilé depuis trois épisodes.
Vous retrouvez donc le système de déplacement, les ressources limitées, les sauvegardes grâce aux rubans encreurs et une histoire type série B. Celle-ci se situe après Resident Evil 2, alors que Claire Redfield est toujours à la recherche de son frère Chris ayant complètement disparu après les évènements du premier volet. Elle se retrouve prisonnière sur une île servant de camp d’entrainement militaire pour la milice d’Umbrella avant que son geôlier ne la délivre, l’avertissant au passage que de toute façon, elle ne fera pas long feu dehors. Effectivement, à l’extérieur, les zombies ont envahi les lieux.
Le scénario est fidèle à la licence et multiplie les retournements de situations et parle à nouveau d’un virus censé plonger le monde dans le chaos. S’il reste conventionnel pour une Resident Evil, ce scénario a au moins le don d’approfondir l’univers de la série en dévoilant un peu plus l’historique d’Umbrella à travers la famille Ashford a qui appartient l’île et ayant largement contribué aux origines de la firme pharmaceutique. Une famille qui, génération après génération, a perdu de sa stature et ne peut compter que sur son dernier héritier Alfred Ashford pour redorer le blason familial. Très vite, vous comprendrez que sa nature est très ambigüe, montrant des penchants incestueux envers sa soeur jumelle disparue et des envies de transformisme. Et c’est certainement l’un des principaux atouts de cette suite. Pour cet opus, l’histoire flirte avec une horreur un brin plus psychologique en y intégrant un antagoniste timbré à l’image d’un Norman Bates. Un élément qui apporte de la fraicheur tout en préservant les éléments originaux de la série.
Malheureusement, Capcom n’a pas pu s’empêcher d’y agrafer une petite histoire d’amour entre Claire et un autre rescapé de ce chaos : Steve. Je passerais outre le fait totalement subjectif qu’il n’a aucun charisme pour m’attarder sur ce qui cloche réellement avec ce personnage. Le jeu a déjà du mal à instaurer une ambiance et à plus forte raison une ambiance qui fait peur (un point sur lequel je reviens plus bas) que vous en sortir avec ces scènes amenées au chausse-pied casse complètement votre immersion. D’autant plus qu’il a d’autres choses à raconter sur lesquels il aurait pu rester focalisé pour y amener plus de cohérence. Sans oublier que Steve, dans vos premières rencontres, est un frein à votre progression – il vous vole les Ludgers débloquant tout un accès du niveau – en plus de se montrer particulièrement irritant dans sa façon de se comporter. Mais bon, on est en 2000, le jeux-vidéo est encore en train de se rechercher et notamment dans la façon de raconter une histoire, donc soyez indulgent.
Portes, monstres, tensions
Outre sa narration, Code Veronica préserve également de son héritage avec la trilogie PSOne un rythme soutenu entre exploration, puzzle et action. Il reprend les boucles d’exploration dans laquelle vous découvrez ce que le jeu vous permet de découvrir en verrouillant les accès à d’autres zones. Ce n’est qu’au bout de cette exploration que vous tombez sur un item (une clé, carte magnétique, etc.) permettant de retourner sur vos pas ouvrir les portes jusqu’alors infranchissables. D’autres fois, ce sera un puzzle à résoudre qui vous bloquera. Dans tous les cas, vous pourrez toujours compter sur vos amis les zombies pour amener un brin de tension.
Cette construction en boucle est parfaitement maitrisée de la part de Capcom et relance l’intérêt dès que la fatigue se fait sentir et que vous pensez à couper votre console. Vous vous sentez progresser avec une agréable fluidité et, généralement, lorsque vous êtes bloqués, il suffit de repasser en revue ce que vous avez amassé lors de votre exploration et de revoir le plan pour comprendre ce que vous avez loupé. Vous poser cinq minutes permet de vous relancer rapidement et de repartir dans cette boucle régulièrement marquée par une cinématique déroulant l’histoire.
Enfin, Code Veronica ramène l’une des marques de la série, à savoir le double point de vue scénaristique. Avec Nemesis, l’entièreté de l’aventure se focalisait sur Jill et le jeu avait mis de côté la narration à deux facettes présente dans les deux premiers opus. Pendant que Léon parcourait le commissariat de son côté, Claire vivait les choses en parallèle en croisant occasionnellement la route du rookie de la RCPD. Le résultat avait quelques lacunes, mais le plaisir de redécouvrir les lieux d’une tout autre manière était bien amené et vous poussait à faire certains recoupements scénaristiques vous-même.
De son côté, cet épisode réintègre ce double point de vue sur l’histoire, mais d’une manière nouvelle pour un Resident Evil. Il n’est pas question en début de jeu de choisir un personnage plutôt qu’un autre, mais de suivre le fil de l’aventure jusqu’au moment où, surprise, le jeu mets en pause les aventures de Claire (et de Steve heureusement) pour vous faire incarner Chris. Ceci se passe après un bon paquet d’heure, à un moment où vous vous êtes déjà fait à l’idée que le scénario ne tournera qu’autour d’un seul personnage. L’effet de surprise – que je viens de vous spoiler allégrement, autant pour moi – est satisfaisant et permet de parcourir le camp d’entrainement, puis la station polaire avec Chris et de constater les répercussions de nos actions avec Claire. De quoi renforcer l’immersion.
Qui a coupé la lumière?
L’autre grosse évolution par rapport à son passé se situe du côté du moteur graphique. Exit les décors en précalculé, tout est en 3D temps réel, ce qui permet des mouvements de caméra plus libres et moins figés. Mais son véritable intérêt réside dans l’éclairage dynamique. L’utilisation du briquet ou le fait de brancher le courant révèlera des munitions et autres items jusqu’alors invisibles à l’oeil nu. Une idée avec laquelle il y avait des choses à exploiter en termes de peurs, mais qui restera malheureusement anecdotique, car sous-exploitée…
… À l’image des security box rencontrées au début de l’aventure. Ici, le jeu vous empêche de parcourir un bout de l’environnement avec vos objets métalliques sur vous en vous obligeant à les laisser dans un compartiment spécial. Couteau, pistolets, briquet, items servant à la progression, etc. Vous vous retrouvez à nu sur une portion du niveau et il n’y aura plus qu’une option : l’esquive. Encore une fois, l’idée est présente au début, puis totalement oubliée par la suite, alors qu’on sent qu’il y aurait eu tellement plus à faire avec.
Mais revenons un instant à cette 3D. Même si à l’époque le passage au temps réel était presque obligatoire histoire de marquer les esprits et montrer de quoi la next-gen était capable, en découvrant Code Veronica avec le recul, force est de constater que la série perd énormément en termes d’ambiance. Le précalculé offrait nettement plus de détails et de caractère aux lieux parcourus. Ici, c’est tout le contraire en plus d’être affublé d’un brouillard permanent plombant l’atmosphère (et je sais de quoi je parle, j’habite en Belgique).
Ce manque de caractère n’est malheureusement pas dû uniquement à ses limites technologiques, mais également à un cruel manque d’imagination de la part des designers. Le premier épisode avait pour lui son manoir gothique avec une identité forte ayant su marquer les esprits. Le second opus était caractérisé par un commissariat avec son histoire et ses passages secrets. Nemesis élargissait l’environnement à une partie de la ville de Raccoon City jusqu’ici à peine esquissé. À l’opposée, Code Veronica vous promène dans un camp d’entrainement, des labos ou encore une base dans l’antarctique. Des environnements froids, stériles et ne réussissant pas à provoquer l’imaginaire. C’est assez triste pour la série en elle-même, car en changeant de technologie, non seulement le jeu n’en tire pas parti au niveau de ses mécaniques, mais en plus de ça, il perd en charme et en authenticité au niveau de son atmosphère.
Néanmoins, il faut souligner quelques endroits uniques qui rattraperaient presque le reste, à commencer par le manoir des Ashford. Avant même d’y entrer, alors que vous traversez un pont, vous le voyez se dessiner dans le brouillard (pour une fois, il aide à l’ambiance…) perché sur sa colline. Une fois les portes franchies, vous ne voyez dans le champ de la caméra que deux pieds immenses flotter dans les airs. En grimpant les escaliers en colimaçon, la poupée géante à qui appartiennent ces pieds se révèle d’étage en étage. Après plusieurs mètres à grimper, vous découvrez son visage et les fils qui la retiennent au plafond. Plus globalement, ce plaisir de retrouver se retrouve dans chaque lieu intimement rattaché à la famille Ashford. Des environnements qui marquent d’autant plus qu’ils tranchent avec le manque d’inspiration constaté précédemment.
Remake or not remake?
Que retenir alors de ce Code Veronica? Car même si j’ai pris plaisir à découvrir cet opus qui reste un pur Resident Evil old school sur tous les tableaux, j’ai cette impression d’occasion gâchée. Le passage à la next-gen aurait pu permettre au jeu de construire ses nouvelles idées tout en s’appuyant une base maitrisée, mais on sent une certaine retenue dans leur exploitation.
La force réelle de ce titre demeure alors dans la famille Ashford, élément central du scénario de cet épisode, mais aussi du lore plus étendu de la saga Resident Evil; ainsi que dans les éléments qui y sont rattachés comme leur manoir. Ce sont principalement ces personnages et leur intimité qui parviennent à donner un peu d’ambiance à un titre qui, avec le recul actuel, a perdu de son effet nouvelle technologie et se retrouve même en retrait en termes d’ambiance et d’identité visuelle par rapport aux trois premiers épisodes, ainsi qu’à d’autres titres de la veine Survival-Horror de cette fin de millénaire.
Du coup, Code Veronica mérite-t-il son remake? Absolument! Non seulement cet épisode de Resident Evil développe des éléments importants pour le background de la série, mais en plus Capcom a déjà démontré son savoir-faire en la matière. Un remake permettrait aux néophytes de mon genre de le découvrir plus facilement tout en en profitant pour utiliser pleinement les bonnes idées esquissées et de souffler enfin sur ce brouillard morne qui cache en partie l’aura que le titre mérite.