En 2020, toujours pas d’Half-Life 3… ni même d’épisode 3 ! Les remakes se font de plus en plus présent, allant piocher dans cette décénnie où la 3D temps réel n’était qu’à ses balbutiements. Rien que cette année, on a pu avoir celui de Resident Evil 3 qui suit celui du 2e épisode sorti un an plus tôt, ou encore la première partie de Final Fantasy VII Remake. L’exercice peut être difficile tant il faut faire preuve de respect envers les fans tout en donnant un coup de jeune à des mécaniques de jeu qui ont parfois mal vieillies. Black Mesa, remake du premier opus d’une licence phare, a-t-il réussi ce pari compliqué?
Retour à la Source
Half-Life fait partie de ces monuments issus de la révolution 3D et sortit dans ce qu’on pourrait appeler les trois glorieuses du jeux-vidéo (1997, 1998 et 1999) et plus précisément en 1998, année qui a compté nombre de chefs-d’oeuvre élevé au rang de classique. Lors de sa sortie, le jeu de Valve cassait les règles des doom-like et autres jeux à niveau constitués de couloirs remplis de monstres à dézinguer. Avec Half-Life, la jeune entreprise marquait sa volonté de faire évoluer le FPS en proposant une aventure d’un seul tenant, racontant la fuite de Gordon Freeman à travers le centre de recherche gouvernemental Black Mesa infesté de monstres débarqués d’une autre planète.
Si les aliens montraient une agressivité animale, l’introduction des marines offrait une nouvelle dimension au genre en incorporant des ennemis tentant de contourner le joueur et de le déloger à coup de grenades. Lors de ces situations intenses, le joueur n’avait que peu de répits. Seuls quelques moments scriptés permettaient de souffler et de faire avancer l’histoire, montrant cette volonté de raconter les choses à travers l’univers même du jeu et donc à travers ses personnages et ses environnements.
Ce qu’avait également compris Valve à l’époque, c’était l’intérêt d’offrir aux joueurs les outils permettant à leur tour de bricoler leurs histoires et de laisser place à leurs fantasmes. De là, naquirent des jeux comme Day of Defeat, Team Fortress ou encore Counter-Strike. Le fait de modder un jeu n’était pas nouveau, mais avec Half-Life, et l’émergence d’internet, c’est toute une communauté à travers le monde qui s’est créée tout en renforçant l’aura du jeu.
En 2004 sortait Half-Life² (et avec lui Steam, mais c’est une autre histoire). Avec ce titre, Valve proposait de nouveaux outils de création à sa communauté. Très vite, les fans rêvèrent de voir les aventures originelles transportées sur le nouveau moteur sur lequel s’appuyait cette suite : le Source Engine. Valve lui-même s’y attela en sortant Half-Life Source qui, pour beaucoup, fût une déception. La Crowbar Collective, la team derrière ce remake haut de gamme, naquit de cette désillusion en 2012 avec l’ambition de revisiter Black Mesa de fond en comble. Ce n’est que 8 ans plus tard que le développement touche à sa fin avec la livraison du chapitre finale : Xen.
La communauté du pied-de-biche
Évidemment, dans ce remake, on retrouve tout ce qui a fait le sel d’Half-Life 1 : cette fuite en avant dans un scénario qui ne s’arrête jamais, la narration par l’environnement et les évènements scriptés qui déploient l’histoire et la maitrise du level design et de l’armement qui répondent en écho à l’évolution de nos adversaires; en ajoutant le feeling du second opus au niveau gameplay et sensation de tir.
Ce mélange s’allie parfaitement et c’est avec malice qu’on redécouvre les couloirs de Black Mesa, en observant ce qu’il y a de changer et ce qu’il en reste en se rappelant nos souvenirs de gamers trentenaires. Pour les nouveaux venus, qu’on soit claire, jouer à Black Mesa n’est juste qu’une porte d’entrée plus attirante et permet d’avoir un avant-goût de ce qu’était Half-Life à l’époque tout en gardant un feeling plus actuel que les joueurs du second opus reconnaitront. Ceux qui sont plus intéressés par l’histoire du jeux-vidéo et par la découverte de ce monument devront évidemment impérativement passer par l’original.
Tous les points mentionnés ci-dessus sont profondément analysés dans le livre de Yann François Half-Life : Le FPS libéré. Paru chez Third Edition, le bouquin parcourt la série en détaillant le processus créatif, l’univers dans son ensemble, ainsi que les briques de gameplay ayant forgées l’ADN de la licence.
Si certains passages sont peut-être un peu lourds pour les joueurs ayant une bonne connaissance de l’univers, le livre reste super agréable à lire et nous révèle énormément d’éléments dont les joueurs les plus pressés ont certainement dû louper. Un livre indispensable pour les fans de FPS et de Half-Life.
Générateur à screenshots
La grosse nouveauté de ce remake, et pour moi son principal intérêt, reste Xen, le monde frontière d’où ont été catapulté les aliens. De l’aveu même des développeurs de Valve, cette partie du premier épisode était ratée et a été précipitée en termes de développement. Dans le jeu original, le segment est cours et peu intéressant.
Ici, nos premiers pas sur Xen sont à couper le souffle. Le monde est chatoyant et coloré. Des raies mantas interstellaires flottent dans l’espace et au loin, on aperçoit Interloper, une tour surmontée d’un globe rouge. En plus de ce spectacle visuel à couper le souffle, une musique planante aux voix flottantes finit de nous envouter.
Cette découverte de Xen est l’occasion d’offrir plus de profondeur aux créatures qu’on a affrontées jusqu’ici. Hors de leur contexte naturel, elles faisaient fortement ennemies de jeu vidéo, utilisées pour servir d’obstacle, voire de défouloir. Replacé dans son contexte naturel, le barnacle, par exemple, semble beaucoup plus vivant et crédible. Il est là, dissimulé dans les roches prêt à dévorer ce qui lui passe sous la langue. La créature foncièrement méchante se transforme en créature tout simplement occupée à sa propre survie.
Ceux qui y gagnent le plus sont les vortigaunts. La Crowbar Collective a profité de ce remake pour combler ce trou scénaristique déroutant entre Half-Life 1 et 2. Ceux qui s’en souviennent en témoigneront : débarqué dans l’univers du second épisode, on apprenait que ces aliens n’étaient que des esclaves au service d’une autre race, ce qui n’avait jamais été expliqué auparavant. Dans Black Mesa, si on n’a pas d’autre choix que de les tuer en arpentant les couloirs du centre de recherche, arrivé sur Xen, on voit directement les créatures qui les poussent à nous agresser. Les joueurs au coeur tendre comme moi tenteront avant tout d’éliminer leurs « maitres » et d’épargner ces pauvres esclaves qui, autrement, nous accueillent les bras ouverts.
Ce recule appréciable sur les créatures et les moments de contemplation où on voudrait juste poser son pied-de-biche et se laisser prendre par l’atmosphère retombent par moment dans l’aspect jeux-vidéo avec des phases où on sent une mise en scène mal déguisée. À l’image de cette course poursuite où ces monstres géants équipés de chalumeaux à la place des mains attendent patiemment qu’on passe sur le trigger pour se mettre en mouvement. Ces passages plus jeux-vidéos sont aussi présent lors des puzzles qui nous font raccorder des générateurs à des modules électrique. Cela varie certes le gameplay, mais on aurait pu s’en passer.
Half Life épisode 1.5
Black Mesa fait partie de cette vague de remakes modernes, gardant les éléments clés de l’original, améliorant ce qui devait l’être (Xen en tête) et apportant des sensations plus actuelles. Évidemment, ceux qui s’intéressent à l’histoire du jeux-vidéo passeront également sur l’original, pour les autres Black Mesa a tout pour faire découvrir l’univers de Gordon Freeman aux joueurs n’ayant jamais connu la licence tout en permettant aux vieux de la vieille de porter un nouveau regard sur l’un des univers vidéoludiques les plus légendaires.